Pourquoi il faut rompre avec l’idéologie du bien-être en éducation

Philippe Meirieu

À partir des années 2000, la recherche en psychologie et la réflexion pédagogique s’emparent de la notion de bien-être. Le bien-être scolaire intègre alors, tout à la fois, la prévention en matière de santé, la construction de relations sociales empathiques, la lutte contre toutes les formes de violence, la mise en place d’un climat scolaire apaisé, etc. Pourtant et, malgré un consensus presque général, la question du bien-être reste, sans doute en raison de l’ambiguïté du terme et de la multiplicité des théories de référence explicites ou implicites, pédagogiquement problématique. Car, pour grandir, il faut en rabattre : les choses et les êtres ne se plient que rarement aux caprices et aux désirs de celui qui vient au monde ; et l’entrée dans ce monde est, toujours et inévitablement, apprentissage de la frustration. Parce que les autres ont, bien souvent, d’autres choses à faire que de s’occuper de moi, je vais souffrir de leur absence. Parce qu’ils n’ont pas l’obligation de satisfaire toutes mes envies, je n’obtiendrai pas toujours d’eux ce que je veux. Parce qu’ils ne sont pas astreints à la réciprocité à mon égard, ils ne combleront pas systématiquement mon désir d’être aimé… Et, parce qu’on ne peut pas osciller éternellement entre la toute-puissance et le renoncement, parce qu’il faut, tout à la fois, éviter de se fracasser contre le réel et de s’anéantir dans le découragement, éduquer quelqu’un, c’est lui apprendre à faire avec la résistance des choses et des êtres. Ce texte propose une réflexion sur une pédagogie du bien-devenir, en tant qu’elle vise l’émancipation de l’enfant, et les raisons pour lesquelles elle ne peut s’inscrire dans le paradigme du « développement personnel ».



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