Censure et productions culturelles postcoloniales

Sous la direction de Florence Labaune-Demeule

Censure et productions culturelles postcoloniales

Dans l’entrée « Censure » de l’Encyclopédie Universalis, Julien Duval explique toute la complexité de ce terme puisque ce dernier permet de désigner à la fois « l’action de condamner un texte ou une opinion, d’en interdire sa diffusion, et l’institution qui prononce cette condamnation. »1 Il ajoute que ce terme « trouve son origine dans une institution de la République romaine, celle des censeurs, deux magistrats chargés tous les cinq ans d’évaluer (en latin censere) le nombre des citoyens, de les répartir en classes en fonction de leur richesse, et d’exclure de ces listes les citoyens de ‘mauvaises mœurs’ ». La censure équivaut alors à déplacer, « déclasser » des citoyens romains selon des critères patrimoniaux et moraux. À partir du Moyen-Âge, le terme censure en était venu à renvoyer à « une institution officielle qui, pour toute publication d’un écrit ou représentation d’un spectacle, délivre une autorisation préalable et peut exiger pour cela des modifications ou des suppressions de passages de l’œuvre. » D’une fonction « comptable » et moralisatrice, on était donc passé à une institution s’octroyant un droit de regard et une autorité morale et culturelle permettant de protéger les valeurs sociétales à transmettre. Au lieu d’inscrire les membres de la société sur ses tablettes comme à l’époque romaine, elle avait pour objet d’effacer, de rendre inaccessible au regard ou à la connaissance ce qui n’était pas jugé conforme. Le déplacement du citoyen hors des catégories sociales requises était donc renforcé par l’effacement de son discours.



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